
Congrès SISR – Nouveaux Mouvements Religieux : Interprétations à la lumière du concept de plèbe
André CORTEN et René DELVAUX (org). "Nouveaux Mouvements Religieux : Interprétations à la lumière du concept de plèbe",Congrès SISR, 27-30 juin 2013, Turku-Åbo (Finland).
Turku-Åbo, Finland, 27-30 June, 2013
Programme
Conveners / Organisateurs :
André CORTEN et René DELVAUX
Groupe de recherche sur les imaginaires politiques en Amérique latine – GRIPAL, Canada
Session / Séance 18/a
Chairperson / Président:
CRÉPEAU, Robert (Université de Montréal, Canada)
Brésil : la posture de plèbe des pentecôtistes face à l’imaginaire de la puissance émergente / Brazil: the Plebian Posture of the Pentecostals in the Face of the Emerging Power Imaginary
CORTEN, André (Département de science politique, Université du Québec à Montréal, Canada)
Dans le second mandat Lula et dans le premier de Dilma, on constate une présentation statistique de la population brésilienne gonflant la basse classe moyenne aux dépens de plus pauvres. Cette présentation correspond à l’imaginaire du Brésil comme puissance émergente. Elle trouve par ailleurs un écho dans un rapport à la souffrance et à la pauvreté diffusé par le pentecôtisme. Le pentecôtisme encourage en effet une attitude non victimaire des couches déshéritées. S’il y a une homologie entre l’imaginaire du Brésil comme puissance émergente et la mentalité non victimaire des pentecôtistes qui ne s’identifient pas comme pauvres, une différence est notable dans le rapport au temps. Alors que l’imaginaire de la puissance émergente se projette dans le futur, la conception du pentecôtisme fixe le croyant dans l’instantanéité de la conversion et du pouvoir de la foi. Face à la marche forcée vers la croissance et la modernité, le pentecôtisme, tout en améliorant la maîtrise des croyants sur leur vie, les pose dans une posture de plèbe en retrait par rapport à la violence de cette marche forcée. En quelque sorte, les pentecôtistes renversent la violence de l’imaginaire de la puissance émergente // While the Brazilian government runs on the imaginary of a future-oriented emerging power, Pentecostals fix the believer in the immediacy of conversion and the power of faith. In the face of the forced march towards growth and modernity, Pentecostalism, while claiming to give to its believers the means of gaining control over their lives, places them in a plebeian posture of retreat with regards to the violence of this forced march. It is in this way that Pentecostals overturn the violence of the emerging power imaginary.
Prejudice, snobbery and Brazilian media: Pentecostals, these dangerous newcomers / Parti pris, snobisme et les média brésiliens : pentecôtistes, ces parvenus menaçants
FIORILLO, Marilia (Escola de Comunicação e Artes, Universidade de São Paulo – USP, Brazil)
The remarkable biases and prejudices diffused by mainstream media in Brazil against Pentecostal denominations could be explained, apart from Catholic hegemony in the country, as a kind of undisguised snobbery of the upper class vis-à-vis the increasing influence of the Pentecostal newcomers, a ‘plebeian’ stratum, the majority of them poor migrants from the countryside. The media rhetoric of denigration depicts these new religious protagonists as people not entitled to dare anything on their own initiative. More than doctrinal dissensions, we can detect in media discourse a class-based hostility that inspires the invectives against Pentecostals, taken as vulgo trapped in a sect. The paper polemicizes with Rodney Stark’s theory and its distinction between sect and religion, based on the concepts of ‘rewards’ (Pentecostals and its theology of prosperity) and ‘compensators’ (Catholics, supposedly more prone to spiritual values). The denigration of Pentecostals by defining them as a sect is nothing but another way of denying citizenship to hundreds of thousands of non-patricians, keeping unaltered the status quo and the same old privileges // Les préjuges et l’avilissement qu’on peut constater dans le discours des médias brésiliens contre les églises et mouvements pentecôtistes, au-delà de la traditionnelle hégémonie catholique dans le pays, sont aussi une sorte de snobisme, une rhétorique de mépris pour la plèbe et une autre façon de maintenir les traditionnels privilèges des élites en niant légitimité à ces parvenus religieux, qui sont envisagés comme secte. Notre but est de discuter de ces biais dans le cadre de la théorie de Rodney Stark et des concepts de compensation et de récompense.
La conversion pentecôtiste dans les prisons brésiliennes : retrait de l’ordre criminel et renversement de l’imaginaire pénal moderne / Pentecostal conversion in Brazilian prisons: withdrawal from criminal order and reversal of the modern penal imaginary
DÉCARY-SECOURS, Benoit (École d’études politiques, Université d’Ottawa, Canada)
Par ses principes d’isolement et de réclusion, l’univers carcéral peut être configuré comme espace de conversion. Conversion à la vie légale et ordonnée, dans la mesure où l’aménagement de la peine carcérale met de l’avant son ambition « resocialisatrice ». Conversion à la carrière criminelle, à partir du moment où cet idéal fait face à l’institution d’un « ordre social criminel » à l’intérieur des prisons. Ces deux types de conversion renvoient à deux ordres d’existence qui s’excluent mutuellement pour polariser et structurer l’univers social des prisonniers. Or, à partir du concept de plèbe surgit un troisième type de conversion. La conversion religieuse pentecôtiste qui, depuis les années 1990, constitue le mouvement religieux dominant au sein des pénitenciers brésiliens. La conversion au pentecôtisme révèle un état instantané de souveraineté renversant les règles, hiérarchies et systèmes de sanctions qu’imposent à la fois l’imaginaire pénal contemporain de la resocialisation et celui de l’ordre social criminel // Given its principles of isolation and confinement, the prison can be considered as a space of conversion: to a legal and orderly life or to a criminal career. These two types of conversions can be understood as constituting mutually exclusive orders of existence. Since the 1990s, Pentecostal religious conversion is the dominant religious movement in Brazilian prisons. This third type of conversion, analyzed in the light of the concept of the plebs, reveals a type of “instant sovereignty” available to prisoners, that reverses rules, hierarchies and systems of sanctions imposed by both previous types of conversions.
Discussant / Rapporteur:
PEÑAFIEL, Ricardo (Centre de recherche sur les politiques et le développement social – CPDS, Université de Montréal)
Session / Séance 18/b
Chairperson / Président :
CORTEN, André (Université du Québec à Montréal, Canada)
Sécession religieuse, expérience plébéienne et inscription du politique dans l’espace : réflexions à partir de la rupture pentecôtiste dans des communautés autochtones du Mexique / Religious Secession, Plebeian Experience, and the Spatial Groundings of Politics: Conversion to Pentecostalism as dissidence in Mexican Indigenous Communities
HÉBERT, Martin (Département d’anthropologie, Université Laval, Canada)
L’image originelle de la rupture plébéienne est celle du retrait des dissidents vers le mont Aventin, celle de la création d’un écart spatial matérialisant l’écart politique. Dans la présente communication nous explorerons, dans des contextes autochtones mexicains encodés par la rupture religieuse, dans quelle mesure le refus qui caractérise l’expérience plébéienne s’articule, empiriquement, avec des transformations dans la construction et l’occupation politique de l’espace. Pour ce faire nous utiliserons des données ethnographiques recueillies dans les états du Chiapas et du Guerrero, documentant des scissions communautaires survenues suite à la conversion d’une partie des Autochtones au pentecôtisme, notamment entre les années 1980 et nos jours. Nous concluons en notant que si l’expérience de sécession religieuse ne se traduit pas toujours par une reconfiguration majeure de l’espace physique communautaire, une dimension importante de cette expérience de rupture demeure la transformation du rapport à l’espace et sa resignification // In this presentation we explore, within Mexican Indigenous contexts encoded by religious division, the extent to which the dissent intrinsic to the plebeian experience is empirically articulated with transformations in the political use of space. This discussion will be grounded in ethnographic data documenting community transformations after conversions to Pentecostalism. We note that if the experience of religious secession does not always translate into a major reconfiguration of the community’s physical space, one important dimension of this experience remains the transformation of the subjective relationship to space, as well as the creation of new meanings pertaining to it.
Pour une théorie politique du bruit: le cas des rituels pentecôtistes / For a political theory of the noise: the case of pentecostal rituals
MOLINA, Vanessa (École d’études politiques, Université d’Ottawa, Canada)
Le bruit dans les rituels pentecôtistes (le parler en langue, les prophéties, les marches pour Jésus) ouvre pour les pratiquants des voies de contact avec Dieu. Si vous parvenez à entrer en glossolalie, c’est que Dieu vous bénit. Parallèlement, dans les quartiers paupérisés du Brésil par exemple, ces sons entraînent des plaintes et des demandes de réaménagement urbain. D’un côté comme de l’autre, le bruit est investi d’une signification morale : il est bienfaisance ou nuisance. Cet exposé proposera une théorisation politique du bruit où celui-ci n’est pas politique dû à sa valeur morale ni aux conflits qu’elle engendre, mais bien en tant que bruit. L’avènement du bruit, comme le conçoit déjà Jacques Rancière, est politique en ceci qu’il révèle ce que l’ordre n’entend pas, ce qui est incompréhensible car enraciné dans un autre partage du sensible. Or, Rancière réserve au bruit plus qu’il n’y paraît un horizon de traduction possible, de devenir-parole. En radicalisant pourtant son approche de l’émancipation, le bruit devient un levier d’expérimentation de l’égalité sans passer par la parole, mais bien en tant que bruit, c’est-à-dire dépense, accélération et stimulation de puissance. C’est sous cet angle qu’il peut constituer, dans les rituels pentecôtistes, une expression plébéienne // Noise in Pentecostal rituals establishes communication between God and its followers. It also communicates grievances and demands. In both cases, it is endowed with a moral signification: it may be either a benefit or a nuisance. This paper explores a theorization of noise, one in which noise is political not because of its moral value, but rather as noise in itself, because of the expense in energy, the quickening and the infusion of power it involves. It is in this respect that noise, as experienced in Pentecostal rituals, can be a plebeian expression.
L’interpellation plébéienne comme a-ban-don de la figure de l’homo sacer et réappropriation du langage / The plebeian interpellation as the abandon figure of the homo sacer and the reappropriation of the langage
DESLANDES, Charles (École d’études politiques, Université d’Ottawa, Canada)
Giorgio Agamben analyse l’homo sacer comme une figure paradigmatique de l’articulation entre la « vie nue » et l’ordre juridico-politique sur laquelle se fonde le pouvoir souverain. Marquant la double exception face au droit humain (il peut être tué impunément) et au droit divin (il ne peut être sacrifié selon le rituel), l’homo sacer est piégé dans sa relation au pouvoir transcendant du souverain. En alternative au paradigme de l’homo sacer, l’interpellation plébéienne affirme la possibilité d’un sacré immanent comme rupture du rapport au pouvoir souverain et mise en suspens de l’ordre juridico-politique. La souveraineté de l’interpellation plébéienne s’exprime par sa capacité à se saisir elle-même devant son action accomplie. Si le langage du pouvoir souverain théorisé par Agamben opère à partir de relations indiscernables, par exemple phusis et nomos, le langage de l’interpellation plébéienne correspond plutôt à une réappropriation de la capacité à nommer l’événement. Cette réappropriation du langage ne coïncide pas avec la fondation d’un nouveau pouvoir ou d’un nouvel ordre politique, et du même coup a-ban-donne la perspective d’un pouvoir souverain et la figure de l’homo sacer // Giorgio Agamben presents the homo sacer as a paradigmatic figure on which the sovereign power is founded. As a double exception to human rights (it can be killed without consequence) and to divine rights (it can’t be sacrificed according to the ritual), the homo sacer is trapped in his relation to the transcendent sovereign power. In alternative to the paradigm of the homo sacer, the plebeian interpellation affirms the possibility of an immanent sacred in rupture with sovereign power, a suspension of the juridical-political order and a reclaiming of the capacity to name events.
Exprimer la souffrance: religions populaires et ONG humanitaires en Haïti face au désordre / Expressions of suffering : popular religions and humanitarian NGOs in Haiti facing the disorder
DELVAUX, René (Département de science politique, Université du Québec à Montréal, Canada)
Dans leur réponse à la souffrance des populations touchées par des catastrophes naturelles et leur tentative de rétablir un ordre des choses, les ONG humanitaires interviennent notamment pour lutter contre les superstitions véhiculées par des cultes religieux populaires. Le séisme et l’épidémie de choléra en Haïti ont exalté pendant un moment la ferveur religieuse des croyances populaires, donnant lieu par exemple à des réjouissances quant aux bénédictions d’un Dieu-sauveur ou au lynchage de prêtres vodous, désignés comme responsables du désastre. Ces manifestations plébéiennes reçoivent l’incompréhension, l’indignation ou le mépris des acteurs humanitaires. Ces ONG s’adressent à leurs « bénéficiaires » à partir des critères propres à la gouvernance humanitaire et aux normes juridiques des droits humains, offrant ainsi une explication « technique » à la souffrance vécue et au processus de réhabilitation à adopter, qui remplacent parfois les exhortations des autorités catholiques ou évangéliques. En rangeant les populations par rapport à leurs critères, les ONG induisent une catégorisation entre bons et mauvais sujets ou entre pratiques fastes et néfastes. Face à cet ordre de rangement, les populations locales tentent, y compris comme « mauvais sujets », de se réapproprier leur savoir sur la souffrance // In their response to the suffering of populations affected by catastrophes, some humanitarian NGOs aim to dislodge “superstitions” found in popular religiosity. These NGOs engage their “beneficiaries” through categories of humanitarian governance emphasizing material interpretations of suffering and technical rehabilitation measures. Expert knowledge thus superimposes itself, or displaces religious authority. By categorizing populations according to their own notions of suffering, NGOs induce normative distinctions that come in conflict with local popular religious discourses. Confronted with such imposition, local populations, including those seen as “bad” or non-compliant, subjects of humanitarian intervention, seek to reclaim for themselves their own knowledge about suffering.
Discussant / Rapporteur:
HUART, Catherine (Université du Québec à Montréal, Canada)
Session / Séance 18/c
Chairperson / Président :
HÉBERT, Martin (Université Laval, Canada)
Le culte des animitas dans le Chili post-dictature : phénomène religieux, phénomène politique, expression plébéienne? / The Cult of Animitas in Post-dictatorship Chile: Religious Phenomenon, Political Phenomenon, Plebeian Expression?
DORAN, Marie-Christine (École d’Études politiques, Université d’Ottawa, Canada; CADIS, EHESS, France)
Les animitas, petits autels où on dépose des offrandes pour les « petites âmes » de personnes mortes dans la souffrance existent au Chili depuis le 19ème siècle. Depuis 2009, l’espace public chilien est marqué par une certaine réorientation de cette pratique populaire vers la commémoration de martyrs populaires, non reconnus par la politique officielle de la réconciliation. Ce nouveau phénomène bouleverse les positions politiques et religieuses marquant jusqu’ici le débat controversé sur la justice. Interdites par les Églises catholique et pentecôtistes, la résurgence des animitas s’inscrit comme confrontation sur le plan religieux, mais aussi politique, puisque les Églises soutiennent des projets de lois en faveur de l’impunité depuis 2005. L’apparition des animitas en tant que pratiques religieuses questionne cependant aussi les balises des pratiques « acceptables » du champ du « faire-Mémoire », occupé par des organisations des droits humains jusque-là entièrement laïcisées. Des entretiens (2011-2012) témoignent d’ailleurs d’une distance des répondants vis-à-vis des « représentants » publics du mouvement pour la justice que sont les organisations des droits humains. Cette distance à la fois politique et religieuse constitue-t-elle une interpellation plébéienne susceptible de transformer les positions et rapports politiques autour de la question de la justice au Chili? // Since 2009, the popular religious practice of animitas, which exists in Chile since the 19th centuryis reoriented to commemorate shantytown martyrs of the dictatorship. This new phenomenon challenges both religious and political positions in the controversial debate about Justice, since Catholic and Pentecostal churches seek to prohibit animitas, while supporting the ongoing impunity for Human Rights abuses. On the other hand, the religious animitas also challenge the secularized field of Human Rights struggles. In the debate about Justice, can the practice of animitas be characterized as a plebeian expression challenging both political and religious frontiers?
Lazare et l’irreprésentabilité de la plèbe : victimes des crimes d’État et justice transitionnelle / Lazar and the irrepresentability of the plebs: the victims of state crimes and the transitory justice
CELIS, Leila (École d’études politiques, Université d’Ottawa, Canada)
Les crimes d’État comme le génocide, le viol comme arme de guerre, la torture ou le déplacement forcé s’attaquent à des communautés entières et font deux types de victimes : les morts et les survivants. Ces derniers, comme Lazare, sont revenus d’entre les morts et sont liés aux premiers par leur vécu de souffrance et leur appartenance à une communauté condamnée à mort. Marqués à vie par la connaissance du pouvoir destructeur de l’entreprise criminelle, ils refusent de lui faire des concessions. Or, lorsque la violence systématique finit par s’épuiser, les nouveaux gouvernements s’appliquent à mettre en place un cadre juridique pour légitimer les « nouvelles » structures politiques. Ce cadre juridique, appelé aujourd’hui « justice transitionnelle », définit les termes de la prétendue réconciliation sociale, tel le degré d’impunité qui sera octroyé aux bourreaux. La justice transitionnelle reconnaît l’existence des victimes et simultanément vise à les englober dans un ordre qui est en continuité avec la violence qui cherchait à les anéantir. Les mouvements des victimes deviennent ainsi plèbe irreprésentable dans l’ordre social émergeant, auquel elles s’opposent en criant « plus jamais ». // State crimes such as genocide, cause two kinds of victims: the dead and the survivors. The survivors, just like Lazarus, came back from the dead and are linked to them by their experience of suffering. Marked for life by the criminal enterprise, they refuse to make any concession to it. Thus, when confronted with a “transitory justice” that recognizes victims but tries to incorporate them in a social “reconciliation” marked by impunity, the victims’ movements’s ties to the dead create a plebeian break with the emerging social order which they decry.
Le culte de Jesús Malverde au Mexique: traces d’une mémoire plébéienne / The worship of Jesús Malverde in Mexico : traces of a plebeian memory
HUART, Catherine (Département de sociologie, Université du Québec à Montréal, Canada)
Au Mexique, le culte voué à Jesús Malverde est une pratique de religiosité populaire bien connue. Prié et vénéré à la fois comme saint des narcotrafiquants et saint protecteur des pauvres, son temple est un lieu populaire de pèlerinage et sa légende a la particularité d’être chantée dans un nombre incalculable de narcoballades. Mais au-delà des caractéristiques propres à ce culte, l’intérêt de l’analyse réside dans les effets politiques du récit qui le supporte. Ces effets traduisent une forte composante « plébéienne ». En captant et subvertissant différentes catégories des discours politiques et religieux, le récit du culte de Jesús Malverde met de l’avant un refus du « classement » prescrit par l’ordre dominant. Dans cette communication, il sera ainsi question de traiter ce refus dans ce qu’il présente de similitudes avec l’interpellation plébéienne. Dévoilant une « mésentente », un « tort constitutif » mis en prose, circulant par ses propres moyens à travers des ballades, ce récit est à la fois insaisissable dans sa totalité et pourtant très prégnant. Il est à la fois souterrain et dans « l’air du temps ». Il laisse ainsi paraître de multiples traces d’une mémoire plébéienne. // In Mexico, the worship of Jesus Malverde is a well known practice of popular religiosity. Prayed as both saint of drug traffickers and patron saint of the poor, his temple is a renowned pilgrimage place and his legend is being sung in countless narcocorridos. But beyond those specific characteristics, the interest of the analysis lies in the political effects of the narrative that supports it, putting forward a denial of « ranking » prescribed by the dominant order. In this paper, we will discuss these political effects by putting them in relation to the conceptualization of the plebeian memory.
« Guerre de religions » au Venezuela : La religiosité populaire de la plèbe opposée à sa fétichisation politique / “War of Religion” in Venezuela : Plebeian religiosity against its political fetishization
PEÑAFIEL, Ricardo (Centre de recherche sur les politiques et le développement social – CPDS, Université de Montréal)
La rhétorique politique du président vénézuélien s’inscrit dans un champ discursif religieux. Que ce soit en se posant comme équivalent du Christ (« Je suis venu pour accomplir le mandat du Christ notre seigneur »), en donnant au peuple ou aux pauvres le statut de Destinataire syntaxique lui donnant sa « mission » ou en sacralisant la figure de Bolivar, Chávez tend à capter et à subvertir un imaginaire religieux populaire dans le but d’engendrer une sorte de « religion civique » théologisant le politique. Face à cette « dogmatique hétérodoxe », les expressions autonomes de la religiosité populaire se transforment en hérésie par rapport à leur fétichisation politique. Lorsque les figures collectives, comme « nous pauvres » ou « ceux qui souffrons », s’opposent aux plans officiels de « rédemption », surgit une sorte de « guerre de religions » entre la plèbe et le peuple, c’est-à-dire entre l’hérésie populaire – autonome vis-à-vis des églises autant que du pouvoir étatique – et la récupération de cette « religiosité plébéienne » dans et par un discours sur la libération du peuple par lui-même. // The political rhetoric of Venezuelan president Hugo Chávez tends to capture and to subvert a popular religious imaginary in order to create a « civic religion » theologizing politics. In front of this “dogmatic heterodoxy”, autonomous expressions of popular religiosity become heretic in relation with their political fetishizing. When collective figures like « we the poor” or “those who suffer » go against official “redemption” plans, then arises a “war of religion” between “plebeian heresies” – autonomous from churches as well as State power – and the official catechism about liberation of the people (el Pueblo) by himself.
- Date: juin, 27, 2013
- Événement: Nouveaux Mouvements Religieux : Interprétations à la lumière du concept de plèbe
- Lieu: Turku-Åbo - Finland