Parcours de l’indianité: théologie, politique, anthropologie

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Résumé : « Indianité », « indigénisme », « indianisme », autant de termes dont les frontières sémantiques sont floues et se chevauchent et dont le contenu varie d’un sens à son contraire en fonction du locuteur et du contexte social et politique. Cette ambiguïté caractérise également les termes dont ils dérivent : Indien, indio, Amérindien, indigène, indígena, sans compter les épithètes, généralement injurieuses : « sauvage », redskin, naco, huanco, montarraz. Le panorama actuel est le résultat de parcours imaginaires qui s’inscrivent dans l’histoire ancienne et récente de l’Amérique et de l’Europe. Par exemple, après leur indépendance de l’empire espagnol, les nouvelles républiques, ayant aboli le régime des castes, supprimèrent souvent le mot même d’indio, pour le remplacer par indígena, plus « scientifique »; tout comme le gouvernement du Québec remplaçait, en 1927, les mots « Sauvage » et «Sauvagesse » par « Indien » et « Indienne » dans les textes de loi et comme le gouvernement argentin qualifie désormais d’aborígenes (à l’australienne!) les premiers occupants du sol. Dans l’Amérique hispanophone, indio demeure, bien sûr, mais au niveau de l’injure : « ¡Indio desgraciado!» (un équivalent de : « Maudit sauvage! ») ou alors de la plaisanterie : « ¿Te sale lo indio? » («Tu te fâches? »). Alors qu’aux deux extrémités du continent, Indian / Indien / indio demeurait dans la langue officielle, mais comme catégorie en train de se vider de son contenu au profit des vrais Canadiens, Yankees, Argentins….

  • Auteur-e-(s): Pierre Beaucage
  • Date: octobre, 2004
  • Référence: Pierre Beaucage. "Parcours de l’indianité: théologie, politique, anthropologie", Cahiers des imaginaires numéro 3, volume 3, octobre 2004.