Cette recherche est financée par le Conseil de recherche en sciences humaines du Canada (CRSH, Savoir) de 2018 à 2023.
Cette recherche vise à comprendre le problème de la criminalisation de l’action collective qui cible des citoyens engagés pour la défense des droits pour montrer qu’il s’agit d’une cause actuelle de la perpétuation de la violence en Amérique latine. Elle implique donc de mesurer l’étendue de la criminalisation et d’identifier les multiples groupes touchés, d’évaluer les causes et les conséquences de cette criminalisation, notamment pour la démocratie, la liberté et la paix. En plus de contribuer à l’avancement des connaissances sur les causes de la violence actuelle, cette recherche vise également à proposer des cadres législatifs, des politiques et des pratiques institutionnelles plus appropriés pour combattre la violence tout en protégeant les droits humains, civils et politiques ainsi que la vitalité démocratique des populations dans la région.
Depuis 2009, l’Amérique latine est devenu le continent le plus violent du monde (PNUD, 2009). Cette violence est analysée surtout comme violence privatisée où s’entre-mêlent narcotrafic, gangs de rue (maras), féminicides, etc. La littérature sur la violence insiste sur la responsabilité de la population, notamment à cause d’une perte de confiance envers les institutions grevées par la corruption, qui la pousse vers diverses formes de violence extralégale. Loin d’attribuer une responsabilité directe à l’État ou à ses agents, on préconise plutôt des solutions centrées sur l’augmentation et le renforcement des effectifs policiers et militaires protégés par de nombreuses nouvelles dispositions légales en cas de violations des droits humains.
Face à cela, la littérature sur les droits humains signale la violence perpétrée, encouragée ou tolérée par de nombreux États latinoaméricains qui ciblerait des citoyens engagés dans la défense des droits humains, civils, politiques et environnementaux par le biais du phénomène en expansion de la criminalisation de l’action collective. La criminalisation faciliterait la violence contre les citoyens par l’adoption de nouvelles législations ou de nouvelles interprétations législatives qui les considèrent comme des « ennemis ».
D’abord étudiée autour des cas de défenseurs de l’environnement, des données récentes montrent que la criminalisation va néanmoins au-delà de ce groupe et cible des citoyens simplement parce qu’ils sont engagés pour la défense des droits et de la démocratie. Des milliers de journalistes et d’avocats qui documentent la criminalisation sont aussi emprisonnés ou éliminés.
Par le biais d’une étude comparative de 5 pays latino-américains diversement positionnés sur l’échiquier politique, notre recherche multidisciplinaire permettra donc d’analyser d’importantes conséquences de la criminalisation, à deux niveaux :
- En montrant les conséquences pour la consolidation de la démocratie et le respect des droits humains en Amérique latine puisque les citoyens les plus engagés envers la démocratie et les droits sont ciblés par la criminalisation, notamment les peuples autochtones visant une meilleure représentation et participation politique.
- En montrant les conséquences pour la sécurité en Amérique latine, puisque le problème de la violence d’État se perpétue et les solutions préconisées semblent l’accentuer au lieu de le résoudre, de nouvelles formes de violence issues de la criminalisation tels les déplacements forcés de communautés ciblées étant en hausse.
Ainsi, cette recherche fera avancer les connaissances sur un sujet peu analysé et contribuera à plusieurs disciplines. Situant le problème dans son contexte explicatif global pour mieux identifier des solutions, la recherche permettra l’élaboration de cadres législatifs et politiques servant aux décideurs et milieux d’affaire, aux populations ciblées et communautés autochtones/ afro-descendantes vulnérables, aux organisations de défense des droits et au grand public et médias notamment via un accès libre aux données et publications open-access.
Chercheure titulaire: Marie-Christine Doran (École d’études politiques, Université d’Ottawa)
Co-chercheurs: Karine Vanthuyne (Université d’Ottawa); Ricardo Peñafiel (science politique, UQAM); Martin Hébert (anthropologie, Université Laval) et Luis Van Isschot (University of Toronto).